Home
Les bohemes de la mer
Loading Inventory...
Barnes and Noble
Les bohemes de la mer
Current price: $20.75
Barnes and Noble
Les bohemes de la mer
Current price: $20.75
Loading Inventory...
Size: OS
*Product Information may vary - to confirm product availability, pricing, and additional information please contact Barnes and Noble
Les flibustiers... C'étaient d'abord des aventuriers français qui avaient tout au plus la qualité de corsaires. C'étaient des oiseaux de proie qui fondaient de tous les côtés... Jamais les Romains ne firent des actions si étonnantes. S'ils avaient eu une politique égale à leur indomptable courage, ils auraient fondé un grand empire en Amérique. (Voltaire.) I Le Saumon couronné Le 17 octobre 1658, entré sept et huit heures du soir, deux hommes étaient attablés dans la grande salle du Saumon couronné, la principale auberge de la ville de Port-de-Paix, rendez-vous ordinaire des aventuriers de toutes nations que la soif de l'or et la haine des Espagnols attiraient dans les Antilles. Ce jour-là, une chaleur torride n'avait cessé de peser sur la ville, de gros nuages jaunâtres chargés d'électricité s'étaient étendus d'un bout à l'autre de l'horizon, sans qu'un souffle d'air vînt, même au coucher du soleil, rafraîchir la terre pâmée de chaleur. On entendait de sourds murmures qui, s'échappant du sein des mornes, roulaient répercutés par les échos avec les éclats stridents d'un tonnerre lointain. La mer, noire comme de l'encre, agitée par quelque commotion souterraine, se soulevait en vagues houleuses et venait lourdement se briser contre les rochers de la plage avec des plaintes sinistres. Tout enfin présageait un ouragan prochain. Les habitants de Port-de-Paix, rudes marins pour la plupart cependant, et habitués de longue main à lutter contre les plus terribles dangers, subissant malgré eux l'influence de ce malaise général de la nature, s'étaient renfermés dans leurs maisons; les rues étaient désertes et silencieuses, la ville semblait abandonnée, et l'auberge du Saumon couronné, qui d'ordinaire, à cette heure peu avancée de la nuit, regorgeait de buveurs, n'abritait sous les lambris enfumés de sa vaste salle que les deux hommes dont nous avons parlé et qui, le coude sur la table, la tête dans la main et la pipe à la bouche, suivaient d'un regard distrait les fantastiques spirales de la fumée qui s'échappait incessamment de leur bouche et se condensait en un nuage bleuâtre autour d'eux. Des gobelets en étain, des bouteilles, des cartes, des cornets et des dés épars çà et là sur la table prouvaient que depuis longtemps déjà ces deux hommes se trouvaient dans l'auberge, et qu'après avoir essayé de toutes les distractions, ils les avaient abandonnées, soit par lassitude, soit parce que des pensées plus graves occupaient leur esprit et les empêchaient de jouir, comme ils l'auraient peut-être désiré, des plaisirs combinés du jeu et de la bouteille.